En quoi les N.T.I.C. Influent-elles sur le management ?
Patrick BENAZET novembre 2000
Résumé
L'introduction des nouvelles technologies dans les organisations administratives amène un certain nombre de questions voire d'inquiétudes. Il faut, pour apporter un éclairage à l'incidence que peuvent avoir les pratiques de ces nouvelles technologies, s'attarder sur la nature même de ces dispositifs en les situant par rapport à l'informatique et en essayant de préciser la notion de management dans un contexte informationnel. Les technologies de l'information et de la communication s'apparentent à la fois à l'informatique, qui en est leur support, et aux médias tels qu'on les a considérés jusqu'ici (presse écrite et audiovisuelle). C'est dire que deux dimensions s'introduisent dans le management qui relèvent d'une part du traitement de l'information et d'autre part de la gestion de l'information, ce que les Anglo-saxons nomment " Knowledge management ".
La gestion de l’information prend le pas sur l’informatique
Depuis l'arrivée de l'informatique dans les services administratifs, la modélisation des systèmes d'information et leur mise en œuvre se sont fait dans un objectif unique de gestion. Les traitements ont été calqués sur des procédures régies pour la majorité par des lois et règlements. C'est dire que la dimension donnée à ces applications informatiques a été avant toute chose fonctionnelle au sens où l'organigramme avait placé telle ou telle mission dans tel ou tel service. Le traitement automatisé de l'information a rapidement envahi les services et l'usage de l'ordinateur est devenu pour la plupart une banalité, même si certains récalcitrants continuent encore à faire obstacle. Ce puissant outil a permis à un certain nombre de renforcer leur position et a même fait émerger des formes de pouvoir dans des catégories de personnels qui ont su rapidement se l'approprier. Pour autant la production de résultats automatisée n'a pas développé le sens de communiquer ceux-ci. Cette informatique d'abord centralisée ensuite répartie n'est pas, de par sa structure, architecturée pour favoriser les échanges. Or, le changement introduit par les NTIC vient du fait que celles-ci s'appuient sur une organisation en réseau. Tout dans leur structure est réticulaire : la distribution de l'information et donc des savoir, l'implantation des systèmes d'information, l'infrastructure technique au sens informatique. De fait, tout organisme qui entre dans l'aire des NTIC se trouve confronté à cette réticularité qui est loin des bases organisationnelles jusqu'ici mises en place.
Une organisation en réseau
Une organisation basée sur les NTIC est, avant tout, une organisation en réseau. C'est dire que les échanges se produisent non pas selon le canal traditionnel et pyramidal essentiellement descendant mais selon les affinités fonctionnelles : les groupes informels.
La capacité qu'offre le dispositif en réseau aux individus à échanger librement influe directement sur leur mode de fonctionnement et implique un mode managérial adapté. Manager en réseau ne se limite pas au management traditionnel même si la notion de projets horizontaux a largement pris place dans nos organisations administratives. Il s'agit d'instaurer un mode de fonctionnement où l'information qui circule est devenue une base d'enrichissement pour tous et où, de fait, savoir ne rime plus avec pouvoir puisque chacun sait. Très longtemps associé à gestion des ressources humaines, le management est désormais associé à la gestion de l'information. Nos organisations passent d'une informatique de gestion à une informatique de communication et les cadres se voient face à de nouvelles missions : le nouveau rôle du cadre se dessine pour autant le cadre reste lui-même et il n'est pas question de nouveaux cadres dans un nouveau contexte mais des même cadres dans un contexte nouveau.
Les circuits d’information ne sont plus en rapport avec l’organigramme
Depuis que le management a pris place dans les institutions publiques, les techniques d’encadrement ont donné une large place à la gestion du temps et des ressources humaines. Les cadres ont intégré des outils méthodologiques liés à la planification et à l’organisation du travail. Parallèlement, le volet communication a été mis en place avec une importance plus ou moins grande selon les cas ; communication signifiant essentiellement information dans la mesure où la démarche est descendante.
On remarque que la structuration des services suggère la structuration des canaux d’information. La novation des N.T.I.C. réside dans le caractère structurant de ces technologies. Les échanges sont régis par la seule architecture du réseau et la maîtrise des flux n’est plus assurée par le cadre. D’ailleurs, ni les flux ni leur nature ne sont maîtrisés, si l’on conserve au vocable maîtrise sa connotation centralisatrice. Les modalités d’échanges d’informations s’inscrivent donc inévitablement dans le réseau et ce, quelle que soit la structuration du service. Le sociogramme empiète sur l’organigramme. Comment continuer à accorder du sens à l’organigramme dans ce contexte ?
Organigramme et sociogramme coexistent
Un nouveau mode d’organisation est-il induit par les N.T.I.C. ? Cette question trouve une réponse dans la spécificité de la mission de service public. A la différence de l’entreprise privée, l’institution publique inscrit son action uniquement dans un cadre réglementaire et législatif, sans objectif de profit et avec un système de délégation de responsabilité très limité, lui-même inscrit dans la réglementation voire la loi. On peut, dans cette perspective, imaginer une coexistence du sociogramme et de l’organigramme. Certes, le sociogramme a toujours existé et les réseaux d’affinités sont utilisés depuis toujours, mais seul l’organigramme constitue jusqu’ici le canal officiel de distribution de l’information. L’organigramme étant la partie formelle de la structuration du service, le sociogramme étant la partie fonctionnelle. D’un point de vue sociologique, l’organigramme est institutionnalisé alors que le sociogramme est institué. Le sociogramme n’a d’ailleurs pas un caractère formalisable, il est variable dans le temps sans qu’une décision solennelle soit prise. Les N.T.I.C. ne font que mettre au jour cette particularité.
De nouveaux domaines d’activité
Echanger, coopérer, se documenter sont les trois fonctionnalités essentielles apportées par les N.T.I.C. Ces trois domaines d’activité sont couverts par des réseaux d’échange électroniques tels que le courrier ou la messagerie électroniques, les forums ou les listes de discussion, les sites de documentation en ligne.
Cependant si la notion de responsabilité devant l’usager, considérée au sens de la loi, est retranscrite dans l’organigramme, la nature et les contenus informationnels véhiculés à l’intérieur du sociogramme peuvent rapidement se trouver sans grand rapport avec l’activité du service si le cadre ne joue pas un rôle fort d’animation. Dans le même ordre d’idée, le rapport entre les agents du service public et les usagers peut rapidement sortir du contexte réglementaire fixé par l’organigramme si le cadre ne prend pas soin de contractualiser avec ses collaborateurs. Une nouvelle approche de l’action d’informer doit être considérée au travers d’une charte de la communication. Cette charte devient un référent en termes d’échanges des informations, au sein du service mais au-delà également avec une vision transversale. Elle contient tous les principes que chacun s’engage à respecter dans les échanges : quel canal utilise-t-on, à quelle fréquence et selon quelles modalités, quels circuits les informations empruntent-elles etc.
Un contexte nouveau
Les réseaux sont des systèmes ouverts sur lesquels toute l’information devient accessible sans coût et sans délai. Alors que consulter le journal au bureau était, il n’y a pas très longtemps, considéré comme une faute professionnelle, se documenter en ligne sur l’Internet ou sur l’Intranet devient un atout pour un agent qui de ce fait devient plus performant. C’est le statut de l’information et celui de l’action de s’informer qui a changé avec en toile de fond l’association détention de l’information = détention du pouvoir qui disparaît. De plus, l’information électronique, jusqu’ici considérée avec méfiance car peu probante, a également changé de statut avec la légalisation de la valeur probante du document électronique et par voie de conséquence de la signature électronique. La loi permet désormais de considérer un document électronique au même titre qu’un document papier. On peut aisément imaginer la rénovation d’un certain nombre de procédures qui entraîneront de sérieuses refontes structurelles et des rapports nouveaux à l’usager…